Samedi 8 décembre, acte 4 des Gilets jaunes. il est question de prendre l’Élysée, carrément. C’est aujourd’hui la révolution. La semaine dernière, l’Arc de Triomphe a même été tagué. Toute la semaine, les éditorialistes ont préparé l’opinion à une guerre à feu et à sang. Il y aura des morts, en boucle. Le pouvoir a lâché des miettes pour ne rien concéder sur l’essentiel. Et la veille, la France entière a vu la même image : celle de mômes de 15 ans parqués en ligne les mains sur la tête, humiliés par la police.
Dès 9 heures du matin, France Info annonçait plus de 200 manifestants gardés à vue à Paris (700 en France), 500 à 17 heures. Au final, la police fera plus de 1000 arrestations rien qu’à Paris (près de 1800 en France). Au rendez-vous des rejoignistes du cortège interluttes, fixé à 10 heures à Saint-Lazare, le comité Justice pour Adama Traoré, des cheminots, des syndicalistes, le NPA, le collectif féministe révolutionnaire, le Claq, les postiers, des membres d’Attac, le collectif Rosa Parks (etcetera, etcetera) ; des centaines, peut-être des milliers de gens, qui ont tenté en vain de rejoindre les Champs-Élysées. Nassés entre la gare Saint-Lazare, l’opéra et les grands boulevards, la cortège a été forcé à l’éparpillement par les camions à eau et les pluies de lacrymogènes. Les manifestants tentèrent de s’approcher de l’Hôtel de ville, puis l’essentiel des troupes arriva à Bastille, suivant la fanfare des féministes, puis à République, loin des Champs-Elysées, loin des autres grappes gigantesques de gilets jaunes.
Dans les rangs des manifestants, on pouvait entendre des slogans divers : « Tous à genoux comme les lycéens », « on est français ou quoi? », « la manifestation est un droit constitutionnel », « Édouard Philippe c’est dégueulasse », « la police c’est dégueulasse », « Rothschild démission », « Paris, debout soulève-toi! », « police partout justice nulle part », « de l’air, ouvrez les frontières », « tout le monde déteste la police », « Macron démission » ; et des réflexions (« Tu crois qu’avec le temps, tu es mithridatisé des gaz lacrymogènes, mais non, en fait. On ne s’y fait jamais. », « Y’a une chose qu’on réalise c’est que les manifs Répu-Bastille, c’est fini. On pourra difficilement revenir sur des parcours balisés. C’est les lieux de pouvoir qu’il faut viser. »)
Co-réalisateur des Nouveaux chiens de garde en 2012 (250 000 entrées au cinéma), Gilles Balbastre vient de réaliser, avec la Fédération Nationale Mines Énergie (CGT), le film Main basse sur l’énergie, un documentaire sur le mode narratif de la série télévisée Les Incorruptibles. Dans ce film en six épisodes, Balbastre enquête sur les énergies renouvelables et fait le lien avec le démantèlement du service public de l’énergie. Dans ce premier épisode d’un entretien en deux parties, le réalisateur démontre comment l’industrie des éoliennes est devenue une véritable rente pour hommes d’affaires peu scrupuleux à la fois de l’environnement et des conditions de travail des salariés. Il poursuit sa réflexion sur la privatisation des barrages hydroélectriques, reconduite par l’ex-ministre Nicolas Hulot et sur la manière dont elle prive les citoyens d’une énergie peu chère et effectivement renouvelable, au profit de grandes entreprises comme Total, de fonds de pension ou de divers détenteurs de capitaux ravis de ce cadeau inespéré : la cession des barrages.
Après le ministère américain de la défense, l’armée chinoise et les supermarchés Walmart, la chaîne de fast-food McDonald’s est le quatrième employeur au monde : près de 2 millions de personnes dans plus de cent pays turbinent chaque jour pour le compte du clown Ronald. L’enseigne aux arches dorées emploie quasiment 80 000 personnes en France et est devenue en quarante ans le premier employeur des jeunes. Son modèle : la franchise (les royalties et les loyers), le CDI à temps partiel et la guerre aux syndicats.
À Marseille, niché au cœur des quartiers nord, le restaurant de Saint-Barthélémy va à l’encontre du modèle social dominant de McDonald’s. Les 77 salariés y travaillent pour beaucoup depuis plus de vingt ans. En 25 ans de Big Mac, les salariés (au nombre de 370 si l’on considère l’ensemble de l’unité économique et sociale de six restaurants) ont réussi à conquérir des droits inédits au sein du groupe. L’équipe syndicale du restaurant, emmenée par Kamel Guémari, délégué syndical (Force ouvrière) aux vingt ans d’ancienneté, est même parvenue à exporter son savoir-faire au-delà des frontières de leur quartier enclavé, ce qui est intolérable pour McDonald’s.
Ce film retrace la guerre que McDonald’s France a déclarée à son bastion syndical marseillais. Il tente de montrer comment des salariés solidaires, armés du code du travail et d’un avocat de combat, peuvent lutter pour un travail digne à l’intérieur du carcan de la première chaîne de fast-food au monde, qui n’a pas encore fait la part belle à l’ubérisation. Il montre aussi que la hantise du patronat est toujours la même : que les salariés s’approprient leur travail et l’organisent comme ils l’entendent.
Production : Le Média TV ; Réalisation : Julien Brygo ; Montage : Robin Vollais ; Conseillère éditoriale : Nina Faure ; Conseiller au montage : Matthieu Parmentier ; Image : Romain Rondet (Primitivi) ; Nina Faure, Adonis Romdhane ; Prise de son : Julien Brygo ; Mixage : Yves Zarka ; Habillage : Jacques Muller.
Paysan, philosophe, gourou, icône… Pierre Rabhi est tout cela à la fois. Depuis plusieurs dizaines d’années, cet Ardéchois d’adoption, proche des patrons et des puissants, est devenu l’incarnation du petit paysan volontaire qui, avec son bon sens, appelle à une écologie… apolitique. Dans son édition du mois d’août 2018, le mensuel Le Monde diplomatique a consacré une enquête à la Une sur Pierre Rabhi, intitulée le système Pierre Rabhi. Dans le cadre de ma première émission au Média TV, j’ai reçu le journaliste Jean-Baptiste Malet pour développer la pensée qu’il amorce dans son article.
Combats de coqs, concours d’épluchage de pommes de terre ou trophées d’empiffrage de plats caloriques, la région du Nord est friande de compétitions stimulantes et innovantes. Parmi elles, une course de vitesse méconnue : le championnat du monde de décorticage de crevettes grises. Mais derrière cette épreuve hautement sportive se cachent des intérêts un peu moins pittoresques.
Un reportage à retrouver dans l’édition de septembre du mensuel CQFD
Samedi 5 mai 2018. Dans la proche banlieue de Minneapolis, sur le piquet de grève des chauffeurs routiers de J. J. Taylor, leader de la distribution de bière dans l’État du Minnesota, M. Chuck D., 47 ans dont vingt à livrer des fûts de bière, étouffe un rire saccadé, réajuste sa casquette et se lève de son siège de camping. « Des camions sans chauffeur, vous dites ? Oui, j’en ai entendu parler. Je peux vous dire que ça n’arrivera pas de mon vivant. Comment vont-ils rouler sur les routes verglacées du pays, comme ici, dans le Minnesota ? Et qui déchargera les camions des fûts de bière ? Qui les descendra dans les sous-sols des bars ? Un robot ? Laissez-moi rire ! » En cette journée ensoleillée, qui marque le début de la cinquième semaine consécutive de grève des 94 salariés de l’entreprise — soit 100 % de l’effectif —, lui et ses collègues se préoccupent moins des algorithmes mis au point pour remplacer les camionneurs que des briseurs de grève, ceux qui sont positionnés en jaune de l’autre côté du piquet et qu’ils arrosent copieusement du sobriquet de « ratscabs » (« jaunes », « vendus », « collabos »).
Dans le Minnesota bat le cœur de l’Amérique progressiste, celle qui a vu les révoltes ouvrières améliorer durablement la vie des forçats de la route. En 1934, en pleine Grande Dépression (…)
Lire la suite de Livreurs de bière et briseurs de grève (ici) sur le site internet du Monde diplomatique.
Série d’images sur la grève des chauffeurs-livreurs de J.J. Taylor, avril-mai 2018.
Pour le mensuel Le Monde diplomatique, j’ai réalisé en mai 2018 un reportage sur les routiers américains confrontés aux startups de camions autonomes (sans chauffeurs). Le reportage est à lire dans le numéro du mois d’août ou en cliquant ici. En complément du reportage, l’article Dans le Minnesota, des livreurs de bière et des briseurs de grève est accessible à cette adresse.
Carnaval indépendant de la Plaine, Noailles, Marseille, 18 mars 2018.
(Verdict du tribunal populaire à l’encontre des malfaiteurs patronaux
et politiques qui ont sévi à Marseille au cours de l’année précédente:
le Karamantran, hydre honteux de la spéculation immobilière, a été brûlé
en place publique, comme le veut la tradition depuis 1999!)
Série Hire & Fire [Embauche et débauche] - Domestiques indiennes au service de la global class indienne. 27 images couleur, 24x36. Inde (Noida, Gurgaon et New Delhi, août 2017).
Elles travaillent pour les milliardaires mais aussi pour les couches moyennes naissantes. Issues des campagnes pauvres, privées de droits réels, les domestiques sont de plus en plus nombreuses en Inde. Rares sont les révoltes. Pourtant, un matin de juillet, elles ont osé affronter leurs employeurs… Depuis, certains suggèrent de passer par des sociétés de services, plus sûres.
Plus de quatre semaines ont passé. Dans le crépuscule du parc où s’ébaudissent petits singes, écureuils et oiseaux virevoltantsZohra Bibi replonge dans le déroulé des événements. L’arrivée chez sa patronne, les gifles, la fuite, le téléphone portable confisqué, la nuit entière à être bloquée dans le complexe résidentiel ; puis, au petit matin, la venue de ses collègues, armées de bâtons, de pierres et de slogans vengeurs.
C’était le 12 juillet dernier. Zohra Bibi, 29 ans, l’une des cinq cents travailleuses domestiques du Mahagun Moderne, un ensemble de vingt et une tours résidentielles situé à Noida, dans la banlieue de New Delhi, entrait chez sa patronne, Mme Harshu Sethi. « Je me lève tous les matins à 5 h 30 pour être chez mes employeurs avant 7 heures, pour leur petit déjeuner. Nous, les domestiques, nous faisons économiser beaucoup de temps à nos patronnes en faisant pour elles ces tâches ménagères. Avec mes huit employeurs, j’arrivais à me dégager un salaire de 17 000 roupies [220 euros]. Je fais ça depuis douze ans. Mon fils aîné, mon mari et moi-même avons construit le Mahagun Moderne et d’autres tours en tant que maçons. Lorsque les résidents ont emménagé, je suis devenue domestique en franchissant les grilles un matin pour demander qu’on m’embauche. »
Recherchés par la police depuis le 13 juillet, Zohra Bibi et son mari, Abdul, sont cachés dans un appartement tenu secret, loin de Noida, par le syndicat non enregistré Gharelu Kamgar Union (GKU), qui revendique sept mille membres. La nuit du 12 au 13, la police s’était rendue chez Mme Sethi à la demande du mari de Zohra Bibi. Celle-ci restant introuvable, il avait informé ses collègues et voisins au petit matin, provoquant une révolte d’une ampleur inédite qui a stupéfié les classes favorisées indiennes. Vêtue de sa kurta aux couleurs orangées, les mains croisées, Zohra Bibi, portant sur la raie de son cuir chevelu un liséré de poudre orange — « pour faire croire que je suis hindoue et m’éviter des problèmes (…)
(La suite à lire dans l’édition papier du Monde diplomatique de novembre 2017 ou sur cette page).